Longtemps, j’ai regardé le fleuve St-Laurent défiler, immense, fasciné par sa beauté comme par sa force.
À l’affût des enjeux géopolitiques qui concernent cette masse d’eau porteuse de notre mythologie collective, je commençai à noter les potentiels désastres qui pourraient survenir: le port méthanier Rabaska et son aura catastrophique (depuis relégué aux oubliettes); la baisse drastique du niveau du fleuve due au pompage incessant de l’eau des Grands Lacs par les Américains ou, paradoxalement, la montée spectaculaire de ce même niveau d’eau en conséquence de la fonte de la calotte glacière; l’érosion des berges et l’effritement potentiel des villes et villages ; l’extinction des espèces marines due à l’abus du tourisme nautique de masse, etc.
Ce fleuve témoin de notre histoire de colonisation, ce fleuve vecteur de l’économie mondiale et de ses iniquités, ce fleuve porteur de notre imaginaire, ce fleuve majestueux, aux écosystèmes fragilisés, est devenu le théâtre d’une peinture d’anticipation, cherchant l’équilibre entre la beauté et la menace.